Temps de travail : La preuve des heures supplémentaires
En cas d’horaires collectifs
En cas d’horaires collectifs, l’employeur n’a pas l’obligation de mettre en place un système d’enregistrement des heures; en particulier, il n’est pas obligé de mettre en place un système d’enregistrement des heures de début et de fin de journée de travail.
L’employeur n’a qu’une obligation d’affichage:
Il doit afficher les heures de début et de fin de travail et les heures et durées de repos (L3171-1).
Que se passe-t-il si l’employeur ne remplit pas son obligation d’affichage ? pas grand chose! en cas de visite inopinée, l’inspecteur du travail qui constate un manquement au niveau de l’affichage fait une observation à l’employeur et au pire le met en demeure de respecter ses obligations; ça s’arrête là.
Sur le respect des seuils de durée maximale de travail:
Il est intéressant de souligner, toutefois, que l’employeur a la charge de prouver qu’il a respecté les seuils de durée maximale de travail : art. L3121-34 (la durée quotidienne de travail ne peut excéder 10 h00) et L3121-35 (la semaine de travail ne peut excéder 48 h00) du Code du travail.
L’employeur ne peut se borner à dire par exemple, qu’il n’a jamais demandé au salarié de travailler au-delà des durées maximales (Soc. 20 février 2013, 11-28.811). C’est à l’employeur de démontrer qu’il a respecté les seuils.
Le salarié qui saisit le CPH d’une demande au titre d’heures supplémentaires non payées, n’a aucune chance d’obtenir une décision favorable s’il n’a pas pris soin de noter ses heures.
La charge de la preuve des heures supplémentaires ne pèse pas plus sur l’employeur que sur le salarié (art. L3171-4 du Code du travail).
Article L3171-4
« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».
A la lecture de cet article L3171-4, on s’imagine qu’en cas de litige relativement aux heures supplémentaires, c’est l’employeur qui, en premier, doit faire la preuve des heures effectuées par le salarié, en fournissant au juge les éléments de nature à en justifier.
En réalité, l’administration de la preuve se fait différemment. Il est de jurisprudence constante, en effet, « qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, le salarié doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande » (Soc. 25 janvier 2004 n°01-45441).
Le salarié qui réclame le paiement d’heures supplémentaires doit donc produire des éléments de nature à justifier sa demande. Si le salarié ne produit rien pour prouver ses heures, il est débouté de sa demande.
L’employeur peut se borner à dire que toutes les heures faites par le salarié lui ont été payées; que contrairement à ce que le salarié prétend, celui-ci n’a fait aucune heure qui ne lui aie pas été payées.
Le salarié qui saisit le CPH d’une demande au titre d’heures supplémentaires non payées a de fortes chances d’obtenir une décision favorable s’il a pas pris soin de noter ses heures.
Si vous avez pris soin de noter chaque jour dans un carnet les heures que vous avez faites, il vous suffira de produire ces notes à l’audience pour justifier votre demande.
La charge de la preuve sera alors reportée sur l’employeur qui devra fournir des éléments de nature à démontrer que vos notes ne correspondant pas à la réalité.
Si l’employeur n’a mis en place aucun système de décompte du temps de travail (de type pointeuses), il ne pourra rien opposer à votre demande d’heures supplémentaires.
A cet égard, il est ahurissant que les Conseil de prud’hommes ne soient pas assaillis de demandes d’heures supplémentaires sur la base de notes manuscrites !! Les salariés sont bien honnêtes!!
Ont été retenus comme ayant une valeur probante pour le décompte des heures supplémentaires:
– des tableaux récapitulatifs établis par les soins du salarié ne comportant pas le visa de l’employeur (soc. 10 mai 2007 n°05-45932, 15 déc. 2010 n°08-45242)
– un décompte établi au crayon par le salarié, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire (Soc. 24 nov. 2010n°09-40928).
– des tableaux d’heures établis par le salarié à partir de son agenda électronique (soc. 14 nov. 2012, n°11-23768).
Observations:
Les CPH ont tendance à rejeter les demandes de rappels de salaires au titre d’heures supplémentaires pour diverses raisons:
– ils ne connaissent pas la jurisprudence de la Cour de cassation et ont tendance à considérer qu’un décompte établi par le salarié ne saurait servir de preuve,
– ils ont la flemme de regarder les tableaux produits par le salarié (CPH de Paris notamment).
Le salarié doit être patient; il aura toutes les chances de gagner en appel..
Un mot sur la prescription: lorsque vous saisissez le CPH, vous ne pouvez remonter que trois ans en arrière; ce qui n’a pas été payé avant cette période de trois ans est perdu (les questions de prescription sont toutefois complexes; renseignez vous sur ce point avant de faire votre demande).
En cas d’horaires individualisés.
L’employeur ne peut se contenter de l’affichage des horaires pour prouver le temps de travail des salariés dont l’horaire est individualisé.
Pour ces salariés, l’employeur doit mettre en place un systèmes de décompte de leur temps de travail, que ce soit sur la journée (pointeuse par exemple) et sur la semaine (l’employeur doit récapituler les heures faites par chaque salarié sur la semaine, par n’importe quel moyen) (D.3171-8 du Code du travail).
De plus, un document mensuel, dont le double est annexé au bulletin de paie, doit être établi pour chaque salarié (D 3171-12).
Il convient de préciser que les salariés au forfait ne sont pas concernés par ces dispositions sur l’horaire individualisé, les salariés au forfait.